Le traumatisme crânien chez les alpinistes

Imagine la scène : tu es en pleine escalade, quand soudain, ton coéquipier chute et sa tête percute violemment la paroi rocheuse. Te sens-tu prêt à agir de manière rapide et efficace pour lui porter secours s’il souffre d’un traumatisme crânien ?

Ne tournons pas autour du pot : le traumatisme crânien est une blessure grave. Le crâne est l’os protecteur de notre cerveau. Lorsqu’il est endommagé ou violemment secoué, le cerveau l’est aussi. L’impact sur la victime peut aller de la mort à des troubles moteurs ou de la mémoire.

traumatisme cranien en alpinisme
Le binome : premier maillon de la chaîne de secours

Ainsi, chaque coup à la tête peut potentiellement avoir des conséquences dramatiques sur la vie d’une personne.

Malheureusement, il est impossible de savoir comment va évoluer la victime de traumatisme crânien. Elle peut tomber dans un coma profond ou simplement présenter une contusion superficielle.

C’est dans cette optique que nous allons voir ensemble comment tu peux intervenir sur le terrain en attendant l’arrivée des secours professionnels.

Comprendre les trois mécanismes menant à un traumatisme crânien.

Trois principaux mécanismes peuvent engendrer un traumatisme crânien :

  • Le choc direct de la tête contre un objet dur, comme cela peut arriver lors d’une chute en montagne.
  • L’impact d’un objet sur le crâne, par exemple lorsqu’un caillou se détache d’une falaise et percute la tête.
  • Un arrêt brutal, provoquant un déplacement du cerveau à l’intérieur du crâne. Ton cerveau, en effet, est suspendu dans ta boîte crânienne par le liquide céphalorachidien, n’étant pas directement attaché aux os. Une chute violente peut ainsi provoquer un écrasement du cerveau contre le crâne, à l’image de la sauce d’un tube de ketchup que l’on agite violemment, se répandant sur un côté.

Chacun de ces mécanismes peut entraîner un saignement interne dans le crâne. La difficulté vient du fait que le crâne est une structure fermée. Ainsi, un saignement à l’intérieur peut rapidement augmenter la pression sur les tissus mous (c’est-à-dire, ton cerveau). C’est semblable au bourrage de ton sac avant de quitter le refuge : lorsque tu sortiras ton sandwich au camembert à midi, il sera tout écrasé et risque de couler partout.

Traumatisme cranien en alpinisme

Identifier un traumatisme crânien et prodiguer les gestes de premiers secours

Évaluer la gravité d’un traumatisme crânien peut s’avérer délicat. Les symptômes peuvent varier entre une simple contusion et des lésions cérébrales sévères.

Voici toutefois quelques indices objectifs qui peuvent te guider :

  1. Considère la violence de l’impact : la victime est-elle tombée de plusieurs mètres de hauteur ? Quelle est la taille de l’objet qui a frappé son crâne ?
  2. Interroge la victime pour savoir si elle se souvient de l’accident, et recherche la présence d’une plaie sur son crâne.
  3. Si la victime vomit immédiatement après un coup à la tête, c’est généralement indicatif d’un traumatisme crânien sérieux.

Il y a également d’autres indices subjectifs, plus tardifs, qui peuvent t’aider à détecter un traumatisme crânien :

  1. Des saignements provenant des oreilles ou du nez ;
  2. Une perte de connaissance  ;
  3. Des vomissements répétés ;
  4. Des maux de tête intenses ;
  5. Et enfin, une agitation incontrôlable ou une somnolence anormale.

Ces indices peuvent aider à identifier un traumatisme crânien potentiellement grave. Dans tous les cas, il est important de solliciter des secours médicaux dès que possible.

traumatisme cranien en alpinisme
Plaie du crâne

Scénario 1 : La victime chute, se relève et affirme : "Ça va, je n'ai rien."

Nous avons tous entendu parler de ce genre d’histoires où une personne fait une chute, se relève avec quelques douleurs mais insiste sur le fait qu’elle se sent bien. Elle descend ensuite par ses propres moyens, conduit jusqu’aux urgences où l’on découvre qu’elle souffre de lésions cérébrales.

Ces situations illustrent à quel point il est facile de minimiser un traumatisme crânien sur le moment, ce qui peut avoir des conséquences extrêmement graves. Ces récits incarnent aussi le « biais du survivant » : nous avons tendance à nous rappeler davantage des histoires hors du commun plutôt que des personnes qui perdent connaissance avant même de pouvoir atteindre les urgences.

N’oublie pas que toute chute de plus de 3 mètres sans amortissement, ou tout coup violent porté à la tête, peut entraîner un traumatisme crânien. Même si la victime assure qu’elle va bien, pose-lui des questions pour déterminer si elle :

  • est capable de te raconter l’accident,
  • ressent des douleurs au niveau du dos ou de la nuque,
  • éprouve des sensations inhabituelles,
  • se sent fatiguée,
  • peut sentir lorsque tu touches ses membres.

En bref : en cas de perte de mémoire de l’évènement ou de douleurs, n’hésite pas à appeler les secours.

Après avoir posé ces questions, inspecte soigneusement la victime pour voir s’il y a des écoulements provenant de ses oreilles ou de son nez. Ceux-ci pourraient indiquer un saignement intracrânien.

En attendant l’arrivée des secours, si la victime est consciente, privilégie une position semi-assise pour réduire la pression à l’intérieur du crâne. Surveille également régulièrement son état de conscience, toutes les 5 minutes, car celui-ci peut se dégrader rapidement.E

Traumatisme cranien
Fuite de liquide céphalo-rachidien

Scénario 2 : La victime chute et ne parvient pas à se relever.

Prenons maintenant le cas où une personne subit un choc à la tête ou est frappée par un objet et reste au sol, incapable de se relever.

Pour déterminer s’il s’agit d’un traumatisme crânien, voici les étapes à suivre :

  1. ANALYSE le contexte de l’accident. Que s’est-il passé ? Y a-t-il eu une chute, un impact d’un objet ou un arrêt brutal ?
  2. VÉRIFIE l’état de la victime.

Pour apporter les premiers secours efficacement, une approche méthodique est primordiale. J’ai préparé un cours sur la procédure à suivre pour ne pas passer à côté d’une situation critique. 

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L'hémorragie

Commence par examiner les éventuelles hémorragies. Les casques d’alpinisme ou d’escalade sont perforés et légers, ne fournissant pas la même protection que les casques de moto. Si tu vois du sang à travers les orifices du casque, retire-le soigneusement. Les plaies au crâne sont souvent impressionnantes en raison de la quantité de sang qu’elles peuvent provoquer. Ces plaies peuvent être simples à traiter avec un pansement ou des sutures adhésives. Cependant, si une déformation est visible, elle pourrait indiquer une fracture du crâne. Dans ce cas, effectue un pansement non compressif.

Note bien : des écoulements provenant du nez ou des oreilles peuvent se présenter sous forme de sang ou d’un liquide transparent, le liquide céphalorachidien dans lequel flotte le cerveau. Si ce liquide ou du sang s’écoule, cela indique probablement une fracture de la base du crâne, ce qui est très grave. Malheureusement, sur le terrain, tu ne peux pas faire grand-chose pour cela.

Si d’autres hémorragies sont présentes, il va sans dire que tu dois les traiter immédiatement. Si tu as besoin de directives, consulte l’article dédié, à ce sujet.

La respiration

Vérifie ensuite la respiration de la victime. Si elle ne respire plus, débute immédiatement la réanimation cardiopulmonaire. Une respiration très lente peut indiquer une atteinte cérébrale ou rachidienne ; assure-toi de vérifier régulièrement la respiration de la victime, car elle pourrait s’arrêter.

La conscience

Le troisième point à contrôler est l’état de conscience de la victime.
Si elle est inconsciente, il est crucial de maintenir ses voies respiratoires libres et de la laisser allongée sur le dos, car elle pourrait avoir une vertèbre cassée. Tu ne pourras la mettre en position latérale de sécurité que si elle commence à vomir.
Si la victime est consciente, pose-lui les mêmes questions que dans le premier scénario pour comprendre son état.

Enfin, si la victime te dit qu’elle ressent une douleur au cou, au dos, ou toute autre sensation inhabituelle, tu dois suspecter une fracture vertébrale. Il faudra alors limiter au maximum ses mouvements, voire immobiliser sa tête en position normale. Si vous êtes plusieurs, l’un d’entre vous devra maintenir la tête de la victime. Si tu es seul, tu peux utiliser des objets pour stabiliser sa tête.

L'hypothermie

Rappelle-toi que si la victime reste immobile, elle risque de se refroidir rapidement. Il faut donc la protéger des éléments. Pour plus de détails sur la gestion de l’hypothermie, je te renvoie à mon article dédié à ce sujet, tout en soulignant qu’en cas de traumatisme crânien, il faut minimiser les mouvements pour ne pas aggraver les blessures.

La nécessité cruciale de la surveillance en cas de traumatisme crânien

Les personnes ayant subi un traumatisme crânien peuvent voir leur état se détériorer au fil des heures : une surveillance étroite s’impose donc !

L’évolution typique d’un traumatisme crânien sévère suit généralement le scénario suivant : inconscience, puis arrêt respiratoire, et finalement décès.

L’élément crucial ici est de s’assurer que l’état de ton coéquipier ne se dégrade pas. Cela signifie maintenir un œil vigilant sur ses signes vitaux. Si sa respiration était régulière et profonde, assure-toi qu’elle le reste. S’il était conscient et capable de communiquer, vérifie qu’il le peut toujours. Et si certaines sensations étranges étaient présentes, surveille qu’elles ne s’aggravent pas.

Pour cela, effectue une vérification complète toutes les 5 minutes et informe immédiatement les secours de tout changement

traumatisme cranien en alpinisme
Position demi-assise avec un sac

Comment minimiser le risque de traumatisme crânien?

Comme tu l’as compris, gérer un traumatisme crânien peut être un véritable défi. Il est donc essentiel de tout mettre en œuvre pour prévenir ce type d’incident.

Le moyen le plus simple de minimiser le risque de traumatisme crânien est bien sûr le port d’un casque. Cela pourrait altérer un peu ton look d’alpiniste des années 90, mais c’est un compromis qui en vaut la peine.

Un autre moyen efficace de prévenir les traumatismes est de faire preuve de prudence lors de l’escalade. Il est essentiel d’être vigilant et de vérifier la stabilité des roches avant de s’y appuyer, ce qui peut éviter de nombreuses chutes de pierres.

Enfin, n’hésite pas à crier « Cailloux ! Cailloux ! Cailloux ! » pour avertir les autres alpinistes en contrebas. Il est crucial de non seulement crier, mais aussi de répéter le mot « cailloux » trois fois pour s’assurer que ceux en dessous comprennent bien le danger et se protègent. Ne t’abstiens pas de le crier, même si tu penses être seul, car tu n’as peut-être pas remarqué une autre cordée qui grimpe en dessous.

traumatisme cranien en alpinisme
Maintien tête lorsqu'il y a plusieurs secouriste

Prendre soin d’une personne traumatisée cranien ne s’improvise pas sur le moment. Il faut donc apprendre les bons gestes et s’entraîner à les faire. Pour cela le plus efficace est de suivre une formation de secourisme.

Guillaume Fustier

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